Le programme complet de la réunion

Conférence Internationale de Recherche sur
les Juifs d'Egypte des Temps Modernes.

Organisée par le Département des Etudes Juives de l'Université de Bar Ilan, cette conférence
s'est déroulée du 12 au 14 janvier 2004 à Tel Aviv.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

ne grande diversité de sujets ont été abordés par d'éminents professeurs Universitaires
ainsi que par des représentants de la Communauté d'Egypte venus de tous les continents.
L'accueil réservé aux participants a été très chaleureux et le climat dans lequel s'est déroulé
le séminaire était empreint à la fois de gravité et d'émotion. Une traduction simultanée des conférences présentées en Hébreu a permis aux participants de suivre tous les débats avec attention.
Plus de 35 sujets différents furent abordés. Tous retirent l'attention fascinée d'un auditoire composée d'académiciens, d'étudiants, de Juifs d'Egypte principalement mais non exclusivement israéliens, de généalogistes et autres… Il serait impossible de tout rapporter de ces 20 heures de conférences aussi nous nous bornerons à vous mettre très sommairement l'eau à la bouche en vue de la prochaine conférence !

LA Présentation :
Le panorama forcément synthétique de plus de 3000 ans d'histoire présenté par Dr. Z. Zohar partit d'une extrémité de cette période avec Joseph, la présence Juive à Eléphantine, le temple d'Onias, Philo, les révoltes d'Alexandrie, et Maïmonide . Il céda la parole au Prof Shimon Shamir qui nous fit part avec chaleur, à l'autre extrémité de cette période, de son expérience en tant qu'Ambassadeur d'Israël en Egypte ; celle-ci lui permit la découverte de l'histoire et de la mémoire de la Communauté moderne au travers de ses vestiges, de ses derniers représentants et de sa nostalgie spécifique.

LES facettes DE LA CoMMUNAUTE :
Différents orateurs se succédèrent ensuite pour décrire les composantes de la Communauté Juive des Temps Modernes en Egypte. Partant de la présentation par Yves Fedida du Recensement Montefiore de 1840 qui illustre la Communauté préexistante, (disponible sur www.nebidaniel.com ) la présentation des immigrants de différents horizons s'est ensuite déroulée évoquant pour chacun bien des souvenirs personnels.

M. Ephraim Ya'acov présenta l'interaction de tout temps entre les Juifs du Yemen et l'Egypte, où certains furent attirés par l'opportunité d'une fenêtre commerciale et culturelle vers l'Europe et la Turquie ou par l'espace de liberté et de développement proche de leur pays d'origine. Les Juifs de Syrie arrivés en Egypte toujours fiers en tant qu'individus de leur racine Damascene ou Aleppine furent présentés par Dr . Harel . Il décrivit la diversité de leur engagement politique ou religieux tout en soulignant leur intégration dans la Communauté au sens large et leur interaction avec la Société environnante.

Dr . Michal Ben Ya'akov souligna le départ des Juifs du Maroc au 19° siècle et leur arrivée en Egypte au hasard des aléas de navigation , des législations ou des quarantaines, leur choix originel par rapport à leur choix final de destination (comme disait un Alexandrin d'alors " c'est ici la Terre Promise " ) ainsi que leur interaction avec les communautés marocaines en Eretz- Israël. Nous avons ensuite appris du Dr. Y. Kerem que les Juifs de Grèce commencèrent à arriver en Egypte dès 1821-1822 suite à la destruction d'une douzaine de Communautés dans le Péloponèse. Ils furent suivis par des Juifs Corfiotes, Ioniens ou de Rhodes dès les années 1840 avant les grandes vagues migratoires des années 1880-1890. Ils s'intégrèrent initialement à la composante italienne, et furent actifs dans le boom du coton. L'arrivée plus tardive des Saloniciens enrichit la Communauté et son dynamisme économique fût souligné.

JUIFS DANS LA CITE :
Par son brillant exposé le Prof. M. Laskier nous fit part des forts conflits internes dans la Communauté du Caire à l'époque nassérienne et les relations opaques avec les autorités durant cette sombre période. Cependant durant cette même période comme nous l'appris Mme Rachel Sarfati du Musée d'Israël, Ytzhak Yedid arriva à sauver la majorité des objets d'une synagogue privée, probablement la Synagogue Hanan (Ets Hayim) du Caire. Les photos, la description et le cheminement de ces trésors de l'expression individuelle ou collective de notre foi, vers l'Egypte puis vers le Musée d'Israël, sous les scuds iraquiens, émurent l'ensemble de l'auditoire. L'émotion perdura à la lecture du poème " Gom'etkom Khadra' de notre amie Prof. Ada Aharoni qui mit en exergue le multiculturalisme et le pluralisme pacifique de cette communauté en symbiose avec son environnement et qui pourrait servir d'exemple et de pont dans les conflits actuels.

Une plongée dans le quotidien passé nous fût proposée par Dr. Kupferschmidt et le Prof. Deborah Starr. Le premier nous présenta la naissance et le développement d'Orosdi-Back à l'étranger et en Egypte, ses actionnaires, son organisation, son personnel, son offre, sa spécificité puis sa transformation en Omar Effendi. La deuxième analysa des aspects de la culture égyptienne (essentiellement la condition féminine) à travers les films de Leila Mourad, dont des extraits furent présentés. L'évolution de la perception de la vedette elle-même, à travers le retentissement de sa vie privée, et la perception de son identité juive, à travers les caprices de l'Histoire, constituèrent des moments forts.

Les professeurs R. Snir, J. Marzouq et le Prof S. Somekh décrivirent la place des Juifs dans la littérature égyptienne et les arts, ainsi que l'image du Juif dans la littérature égyptienne. En particulier on notera le rôle prédominant du nationaliste James Sanua (Le Molière Egyptien) et du très grand écrivain philologue et poète qaraïte Mourad Faraj, apôtre de la tolérance. La mémoire et la quête identitaire sont présents dans les œuvres entre autres de Cahanov, Goren, Bat Yé'or, André Aciman d'après Dr . Daphne Tsimhoni qui y décèle une adhésion au " levantinisme " et un attachement viscéral à l'Egypte… " J'ai quitté l'Egypte mais l'Egypte ne m'a pas quitté "

La presse Juive ne fut pas en reste. Notre ami Ovadiah Yerushalmi déclina sa multiplicité (71 publications entre 1879 et 1957), sa diversité linguistique (hébreu, arabe, français anglais,ladino), son militantisme contre l'anti-sémitisme et pour la cause des juifs en Israël. Ainsi si certains journaux de niche étaient dédiés à l'économie ou à la critique littéraire, d'autres plus généralistes touchaient aussi un public non-juif, d'autres encore étant spécifiquement pro sioniste.

SHEMOT II- TEMOIGNAGES:
Nos amis Alec Nacamuli de Londres, Racheline Barda de Sydney, Joe Chalom de Paris, et Sarina Roemer de Sao Paolo nous régalèrent tour à tour par leurs témoignages poignants.

Racheline présenta un extrait de sa thèse. Elle explique la motivation d'un départ vers l'autre bout du monde, l'accueil des Juifs par leurs coreligionnaires ou par les Australiens " pur jus ", ainsi que leur installation initiale principalement dans la région d'Adélaïde. Elle a entrepris un travail magistral de recueil de témoignages oraux.

Sarina s'appuyant sur un projet mené pour les Archives Historiques Judéo-Brésiliennes, expliqua pourquoi et pour qui le Brésil représenta une terre d'asile à l'époque de Suez ? L'accueil par la Hias et la communauté locale, essentiellement à Sao Paolo, le développement de la Synagogue des Egyptiens (Mekor Haïm) et les tensions ultérieures avec les Juifs libanais, les témoignages oraux recueillis, tout fut agréablement documenté.

Joe, l'Alexandrin, était chargé de porter haut les couleurs de l'ancienne communauté de Tantah dont il décrivit avec conviction et sa vigueur et son déclin inévitable.

Alec, partant de la description de l'ancien environnement éducatif (parents, écoles, personnel de maison, valeurs), souligna les difficultés rencontrées par les parents dans leur nouvel environnement. La désacralisation du père, une modification des valeurs familiales dans le vécu des enfants, eux- mêmes confrontés à d'autres systèmes éducatifs ou de nouvelles langues, furent dépeints avec justesse et brio.

Dr. R. Rhine aborda la position du gouvernement Espagnol entre 1956-1968 qui malgré les réticences officielles et publiques évidentes en Espagne fit preuve d'humanité et de compréhension, presque malgré lui, par l'intervention de ses représentants en Egypte ;

SPIRITUALITE & SIONISME :
Mme Malka Katz et Dr Yishai Arnon entreprirent la relation des mouvements sionistes religieux s'appuyant dans un premier temps sur les déportés d' Eretz Israel durant la première guerre mondiale, puis par la suite sur l'élite rabbinique relais vers l'implication de la haute bourgeoisie . L'activité des 'Mizrahi' dès 1918 fut suivi par celle des 'Halutz' , 'Bnei Akiva'et 'Bahad' dès 1944. Ils décrivirent la perception qu'en avait les israéliens, la vision et la réaction de leurs membres aux évènements politiques contemporains et finalement l'émigration et l'intégration en Israël.

Dr.Avi'ad HaCohen et Dr Zvi Zohar exposèrent la contribution des rabbins contemporains à la Halakha et plus particulièrement le rôle central du Rabbin Aharon Ben Shim'on. Celui-ci fut d'ailleurs l'auteur de nombreux panégyriques pour des personnalités du Caire ; l'originalité de forme et de fond de ces éloges posthumes fut particulièrement bien rapportée par le Dr. Nahem Ilan qui doit en outre être remercié pour avoir organiser l'ensemble de la conférence et l'accueil de la délégation étrangère. Le Prof. Y.Shweika décrivit ensuite l'institution 'Ahava ve -Ahava'

Le Prof A. Toaff présenta les rabbins Italiens d'Alexandrie et notre ami le Dr. Haim Sa'adiah s'attarda particulièrement sur les personnalités du G.R Moshe Ventura et du G.R. Haim Nahoum Effendi. On leur attribue le développement éducatif et social, l'unité et la protection de la communauté. Leur activité politique fut féconde tant au niveau des forces britanniques et du gouvernement égyptien et des diplomates étrangers pour Haim Nahoum estimé de tous et admiré pour sa maîtrise des langues et son érudition, qu'au niveau de la jeunesse et du sionisme pour Moshe Ventura , admiré pour ses talents d'éducateur.

Enfin le Prof. Sergio DellaPergola dressa l'évolution démographique des juifs d'Egypte dans le contexte démographique du judaïsme mondial. Nous apprîmes ainsi que l'évolution notable de la population juive des 120 dernières années fut la suivante :

ANNEES le CAIRE ALEXANDRIE TOTALJUIFS TOTAL EGYPTIENS
1882 5000 3000 10000 8 712 000
1897  11808 9830 25200
1907  20281 14475  38835
1917  29207 24858  59581
1927 34103 24829 63550
1947 41880 24890 65639
2002  +/-100 72  000 000


Le Prof. A. Toaff nous fit part avec regret de la réduction budgétaire affectant le département d'études dont il a la responsabilité. Notre ami le Prof. Arie Schlossberg, qui œuvre avec détermination pour la sauvegarde de tous les objets de notre mémoire présenta son plaidoyer pour la perpétuation de l'étude de notre passé par l'institution de bourses d'études

AUTOUR DE LA CONFERENCE :
L'Université de Bar Ilan eut la gentillesse de prévoir une soirée musicale. Dans un auditorium convivial, un orchestre oriental de près de 40 personnes dont paradoxalement beaucoup de Juifs d'origine russe donna un concert de musique égyptienne et orientale, avec quelques morceaux choisis du Maestro Hemsi. La musique bientôt disponible sur CD envoûta l'ensemble de l'auditoire.

Un film sur la vie extraordinaire, militante et courageuse de " Yolande ", mère de Gilbert de Botton, fut projeté.

Avec nos amis du CERPJE (Centre d' Etudes et de Recherche pour les Juifs d'Egypte), animé par Arie Schlossberg, une excursion à un Kibboutz frontalier avec plantation d'arbres fut organisé en guise de " hors d'œuvre " . Une visite au musée de Juifs Iraquiens, qui prête à réflexion et qui devrait nous inspirer eut lieu par la suite avec au " dessert ", pour le contingent venu de l'étranger, une soirée chaleureuse au restaurant Raphaël. Chacun fut convié à donner son avis sur la sauvegarde de notre mémoire tout en se délectant les papilles.

En conclusion, les participants sont convenus qu'il fallait renouveler cette conférence, de temps en temps dans différents pays, en assurant une information préalable plus largement diffusée afin de porter à la connaissance du plus grand nombre la richesse de culture, de notre histoire et de nos valeurs qui méritent un approfondissement régulier.

Yves Fedida : fedida@mac.com