ne grande diversité de sujets ont été abordés par
d'éminents professeurs Universitaires
ainsi que par des représentants de la Communauté d'Egypte venus de tous
les continents.
L'accueil réservé aux participants a été très chaleureux et le climat
dans lequel s'est déroulé
le séminaire était empreint à la fois de gravité et d'émotion. Une
traduction simultanée des conférences présentées en Hébreu a permis
aux participants de suivre tous les débats avec attention.
Plus de 35 sujets différents furent abordés. Tous retirent l'attention
fascinée d'un auditoire composée d'académiciens, d'étudiants, de Juifs
d'Egypte principalement mais non exclusivement israéliens, de
généalogistes et autres… Il serait impossible de tout rapporter de ces
20 heures de conférences aussi nous nous bornerons à vous mettre très
sommairement l'eau à la bouche en vue de la prochaine conférence !
LA Présentation :
Le panorama forcément synthétique de plus de 3000 ans d'histoire
présenté par Dr. Z. Zohar partit d'une extrémité de cette période
avec Joseph, la présence Juive à Eléphantine, le temple d'Onias, Philo,
les révoltes d'Alexandrie, et Maïmonide . Il céda la parole au Prof
Shimon Shamir qui nous fit part avec chaleur, à l'autre extrémité de
cette période, de son expérience en tant qu'Ambassadeur d'Israël en
Egypte ; celle-ci lui permit la découverte de l'histoire et de la
mémoire de la Communauté moderne au travers de ses vestiges, de ses
derniers représentants et de sa nostalgie spécifique.
LES facettes DE LA CoMMUNAUTE :
Différents orateurs se succédèrent ensuite pour décrire les
composantes de la Communauté Juive des Temps Modernes en Egypte. Partant
de la présentation par Yves Fedida du Recensement Montefiore de 1840 qui
illustre la Communauté préexistante, (disponible sur www.nebidaniel.com
) la présentation des immigrants de différents horizons s'est ensuite
déroulée évoquant pour chacun bien des souvenirs personnels.
M. Ephraim Ya'acov présenta l'interaction de tout temps entre les
Juifs du Yemen et l'Egypte, où certains furent attirés par
l'opportunité d'une fenêtre commerciale et culturelle vers l'Europe et
la Turquie ou par l'espace de liberté et de développement proche de leur
pays d'origine. Les Juifs de Syrie arrivés en Egypte toujours fiers en
tant qu'individus de leur racine Damascene ou Aleppine furent présentés
par Dr . Harel . Il décrivit la diversité de leur engagement politique
ou religieux tout en soulignant leur intégration dans la Communauté au
sens large et leur interaction avec la Société environnante.
Dr . Michal Ben Ya'akov souligna le départ des Juifs du Maroc au 19°
siècle et leur arrivée en Egypte au hasard des aléas de navigation ,
des législations ou des quarantaines, leur choix originel par rapport à
leur choix final de destination (comme disait un Alexandrin d'alors "
c'est ici la Terre Promise " ) ainsi que leur interaction avec les
communautés marocaines en Eretz- Israël. Nous avons ensuite appris du
Dr. Y. Kerem que les Juifs de Grèce commencèrent à arriver en Egypte
dès 1821-1822 suite à la destruction d'une douzaine de Communautés dans
le Péloponèse. Ils furent suivis par des Juifs Corfiotes, Ioniens ou de
Rhodes dès les années 1840 avant les grandes vagues migratoires des
années 1880-1890. Ils s'intégrèrent initialement à la composante
italienne, et furent actifs dans le boom du coton. L'arrivée plus tardive
des Saloniciens enrichit la Communauté et son dynamisme économique fût
souligné.
JUIFS DANS LA CITE :
Par son brillant exposé le Prof. M. Laskier nous fit part des forts
conflits internes dans la Communauté du Caire à l'époque nassérienne
et les relations opaques avec les autorités durant cette sombre période.
Cependant durant cette même période comme nous l'appris Mme Rachel
Sarfati du Musée d'Israël, Ytzhak Yedid arriva à sauver la majorité
des objets d'une synagogue privée, probablement la Synagogue Hanan (Ets
Hayim) du Caire. Les photos, la description et le cheminement de ces
trésors de l'expression individuelle ou collective de notre foi, vers l'Egypte
puis vers le Musée d'Israël, sous les scuds iraquiens, émurent
l'ensemble de l'auditoire. L'émotion perdura à la lecture du poème
" Gom'etkom Khadra' de notre amie Prof. Ada Aharoni qui mit en
exergue le multiculturalisme et le pluralisme pacifique de cette
communauté en symbiose avec son environnement et qui pourrait servir
d'exemple et de pont dans les conflits actuels.
Une plongée dans le quotidien passé nous fût proposée par Dr.
Kupferschmidt et le Prof. Deborah Starr. Le premier nous présenta la
naissance et le développement d'Orosdi-Back à l'étranger et en Egypte,
ses actionnaires, son organisation, son personnel, son offre, sa
spécificité puis sa transformation en Omar Effendi. La deuxième analysa
des aspects de la culture égyptienne (essentiellement la condition
féminine) à travers les films de Leila Mourad, dont des extraits furent
présentés. L'évolution de la perception de la vedette elle-même, à
travers le retentissement de sa vie privée, et la perception de son
identité juive, à travers les caprices de l'Histoire, constituèrent des
moments forts.
Les professeurs R. Snir, J. Marzouq et le Prof S. Somekh décrivirent
la place des Juifs dans la littérature égyptienne et les arts, ainsi que
l'image du Juif dans la littérature égyptienne. En particulier on notera
le rôle prédominant du nationaliste James Sanua (Le Molière Egyptien)
et du très grand écrivain philologue et poète qaraïte Mourad Faraj,
apôtre de la tolérance. La mémoire et la quête identitaire sont
présents dans les œuvres entre autres de Cahanov, Goren, Bat Yé'or,
André Aciman d'après Dr . Daphne Tsimhoni qui y décèle une adhésion
au " levantinisme " et un attachement viscéral à l'Egypte…
" J'ai quitté l'Egypte mais l'Egypte ne m'a pas quitté "
La presse Juive ne fut pas en reste. Notre ami Ovadiah Yerushalmi
déclina sa multiplicité (71 publications entre 1879 et 1957), sa
diversité linguistique (hébreu, arabe, français anglais,ladino), son
militantisme contre l'anti-sémitisme et pour la cause des juifs en
Israël. Ainsi si certains journaux de niche étaient dédiés à
l'économie ou à la critique littéraire, d'autres plus généralistes
touchaient aussi un public non-juif, d'autres encore étant
spécifiquement pro sioniste.
SHEMOT II- TEMOIGNAGES:
Nos amis Alec Nacamuli de Londres, Racheline Barda de Sydney, Joe Chalom
de Paris, et Sarina Roemer de Sao Paolo nous régalèrent tour à tour par
leurs témoignages poignants.
Racheline présenta un extrait de sa thèse. Elle explique la
motivation d'un départ vers l'autre bout du monde, l'accueil des Juifs
par leurs coreligionnaires ou par les Australiens " pur jus ",
ainsi que leur installation initiale principalement dans la région
d'Adélaïde. Elle a entrepris un travail magistral de recueil de
témoignages oraux.
Sarina s'appuyant sur un projet mené pour les Archives Historiques
Judéo-Brésiliennes, expliqua pourquoi et pour qui le Brésil représenta
une terre d'asile à l'époque de Suez ? L'accueil par la Hias et la
communauté locale, essentiellement à Sao Paolo, le développement de la
Synagogue des Egyptiens (Mekor Haïm) et les tensions ultérieures avec
les Juifs libanais, les témoignages oraux recueillis, tout fut
agréablement documenté.
Joe, l'Alexandrin, était chargé de porter haut les couleurs de
l'ancienne communauté de Tantah dont il décrivit avec conviction et sa
vigueur et son déclin inévitable.
Alec, partant de la description de l'ancien environnement éducatif
(parents, écoles, personnel de maison, valeurs), souligna les
difficultés rencontrées par les parents dans leur nouvel environnement.
La désacralisation du père, une modification des valeurs familiales dans
le vécu des enfants, eux- mêmes confrontés à d'autres systèmes
éducatifs ou de nouvelles langues, furent dépeints avec justesse et
brio.
Dr. R. Rhine aborda la position du gouvernement Espagnol entre
1956-1968 qui malgré les réticences officielles et publiques évidentes
en Espagne fit preuve d'humanité et de compréhension, presque malgré
lui, par l'intervention de ses représentants en Egypte ;
SPIRITUALITE & SIONISME :
Mme Malka Katz et Dr Yishai Arnon entreprirent la relation des mouvements
sionistes religieux s'appuyant dans un premier temps sur les déportés d'
Eretz Israel durant la première guerre mondiale, puis par la suite sur
l'élite rabbinique relais vers l'implication de la haute bourgeoisie .
L'activité des 'Mizrahi' dès 1918 fut suivi par celle des 'Halutz' , 'Bnei
Akiva'et 'Bahad' dès 1944. Ils décrivirent la perception qu'en avait les
israéliens, la vision et la réaction de leurs membres aux évènements
politiques contemporains et finalement l'émigration et l'intégration en
Israël.
Dr.Avi'ad HaCohen et Dr Zvi Zohar exposèrent la contribution des
rabbins contemporains à la Halakha et plus particulièrement le rôle
central du Rabbin Aharon Ben Shim'on. Celui-ci fut d'ailleurs l'auteur de
nombreux panégyriques pour des personnalités du Caire ; l'originalité
de forme et de fond de ces éloges posthumes fut particulièrement bien
rapportée par le Dr. Nahem Ilan qui doit en outre être remercié pour
avoir organiser l'ensemble de la conférence et l'accueil de la
délégation étrangère. Le Prof. Y.Shweika décrivit ensuite
l'institution 'Ahava ve -Ahava'
Le Prof A. Toaff présenta les rabbins Italiens d'Alexandrie et notre
ami le Dr. Haim Sa'adiah s'attarda particulièrement sur les
personnalités du G.R Moshe Ventura et du G.R. Haim Nahoum Effendi. On
leur attribue le développement éducatif et social, l'unité et la
protection de la communauté. Leur activité politique fut féconde tant
au niveau des forces britanniques et du gouvernement égyptien et des
diplomates étrangers pour Haim Nahoum estimé de tous et admiré pour sa
maîtrise des langues et son érudition, qu'au niveau de la jeunesse et du
sionisme pour Moshe Ventura , admiré pour ses talents d'éducateur.
Enfin le Prof. Sergio DellaPergola dressa l'évolution démographique
des juifs d'Egypte dans le contexte démographique du judaïsme mondial.
Nous apprîmes ainsi que l'évolution notable de la population juive des
120 dernières années fut la suivante :
ANNEES |
le CAIRE |
ALEXANDRIE |
TOTALJUIFS |
TOTAL
EGYPTIENS |
1882 |
5000 |
3000 |
10000 |
8 712 000 |
1897 |
11808 |
9830 |
25200 |
|
1907 |
20281 |
14475 |
38835 |
|
1917 |
29207 |
24858 |
59581 |
|
1927 |
34103 |
24829 |
63550 |
|
1947 |
41880 |
24890 |
65639 |
|
2002 |
|
|
+/-100 |
72 000 000 |
Le Prof. A. Toaff nous fit part avec regret de la réduction budgétaire
affectant le département d'études dont il a la responsabilité. Notre
ami le Prof. Arie Schlossberg, qui œuvre avec détermination pour la
sauvegarde de tous les objets de notre mémoire présenta son plaidoyer
pour la perpétuation de l'étude de notre passé par l'institution de
bourses d'études
AUTOUR DE LA CONFERENCE :
L'Université de Bar Ilan eut la gentillesse de prévoir
une soirée musicale. Dans un auditorium convivial, un orchestre oriental
de près de 40 personnes dont paradoxalement beaucoup de Juifs d'origine
russe donna un concert de musique égyptienne et orientale, avec quelques
morceaux choisis du Maestro Hemsi. La musique bientôt disponible sur CD
envoûta l'ensemble de l'auditoire.
Un film sur la vie extraordinaire, militante et courageuse de "
Yolande ", mère de Gilbert de Botton, fut projeté.
Avec nos amis du CERPJE (Centre d' Etudes et de Recherche pour les
Juifs d'Egypte), animé par Arie Schlossberg, une excursion à un Kibboutz
frontalier avec plantation d'arbres fut organisé en guise de " hors
d'œuvre " . Une visite au musée de Juifs Iraquiens, qui prête à
réflexion et qui devrait nous inspirer eut lieu par la suite avec au
" dessert ", pour le contingent venu de l'étranger, une soirée
chaleureuse au restaurant Raphaël. Chacun fut convié à donner son avis
sur la sauvegarde de notre mémoire tout en se délectant les papilles.
En conclusion, les participants sont convenus qu'il fallait renouveler
cette conférence, de temps en temps dans différents pays, en assurant
une information préalable plus largement diffusée afin de porter à la
connaissance du plus grand nombre la richesse de culture, de notre
histoire et de nos valeurs qui méritent un approfondissement régulier.
Yves Fedida : fedida@mac.com
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